STUDIO CINÉ
Voici quelques vidéos courtes des lieux culturels que nous avions eu l’occasion de visiter durant notre voyage.
Chaque contenu est une tentative de restituer la vitalité de la scène culturelle vietnamienne, à travers nos yeux d’étudiants, de curieux, de créateurs.
REDIFFUSIONS
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RÒM de Tran Thanh Huy (2019) : Une Autre Perspective sur Hô Chi Minh
Par Luisa Freire
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Après avoir passé six jours intenses à Hô Chi Minh Ville avec ma classe de Master en Médias, à marcher dans ses ruelles, à slalomer entre les motos et à échanger avec les habitants, regarder Ròm a eu un tout autre impact. Ce n’était plus simplement un film se déroulant au Vietnam, mais un miroir tendu vers la ville même que nous venions d’explorer, mais sous un angle complètement différent. Ròm de Trần Thanh Huy est un portrait viscéral de la jeunesse marginalisée, et il m’a obligé à confronter les deux réalités de Saigon : celle dans laquelle nous avons été accueillis, et celle qui reste cachée à la vue de tous.
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Ròm suit la vie d’un orphelin de 14 ans qui gagne sa vie comme « messager de loterie » dans un immeuble délabré de Hô Chi Minh Ville. Abandonné lors d’une expulsion violente, Ròm survit en aidant les habitants à parier sur une loterie illégale, leur offrant une maigre chance de rembourser des dettes écrasantes. Son succès surprenant suscite la jalousie et le danger, notamment de la part de Phúc, un autre garçon des rues qui évolue dans le même monde brutal. À mesure que les enjeux augmentent, tant sur le plan émotionnel que physique, le film plonge dans le chaos, jusqu’à une fin marquée par la violence, la perte et une inquiétante méditation sur ce que signifie grandir sans filet de sécurité.
Lors de notre visite académique, nous avons vu les gratte-ciel du District 1, les boutiques de luxe, les rooftops, mais Ròm nous emmène dans les couloirs délabrés des quartiers populaires, là où la caméra s’attarde sur la détresse d’enfants vivant complètement en dehors de toute structure institutionnelle. Il n’y a pas d’école, pas de repères, juste une débrouillardise de rue et une exposition constante au danger. Certaines ruelles étroites du film m’ont semblé familières. Peut-être les avons-nous traversées dans le District 4 ou lors de nos balades dans les marchés de street food. Le bruit, la chaleur, le mouvement incessant… tout y était. Mais dans le film, ces lieux n’étaient pas excitants, ils étaient étouffants. Pour Ròm et sa communauté, la ville n’est pas un espace d’opportunité, mais un labyrinthe de dettes et de violence.
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L’un des aspects les plus poignants du film est sa manière d’explorer l’attrait psychologique du jeu. Les personnages ne parient pas pour le plaisir, ils parient parce qu’ils n’ont plus rien d’autre. Chaque chiffre est une promesse, chaque tirage les rapproche un peu plus du désespoir. Le jeu devient une métaphore de la réalité socio-économique de nombreux habitants de Hô Chi Minh : vivre au jour le jour, dans l’espoir d’un miracle.
Le film critique de manière subtile le coût du réaménagement urbain, omniprésent à Hô Chi Minh. La communauté où vit Ròm est en sursis, ses habitants perpétuellement menacés d’expulsion. Ce ne sont pas les tours modernes ou les centres commerciaux étincelants que nous avons pu photographier — ce sont les endroits que le progrès veut effacer. Le chaos final, lorsque les créanciers et les agents de recouvrement détruisent l’immeuble, devient une métaphore violente de la gentrification sans plan de secours.
Regarder Ròm après notre voyage, c’était comme tirer un rideau. C’est un rappel puissant du pouvoir du cinéma à nous montrer ce que même un voyage immersif et éducatif peut rater.


