Ho Chi Minh-Ville : la jeunesse vietnamienne, entre influences coréennes, japonaises... et affirmation culturelle locale
- Uma Imbert

 - May 4
 - 3 min read
 
Par Uma Imbert
En flânant dans les rues bouillonnantes de Ho Chi Minh, on perçoit ici et là des influences
venues de Séoul ou de Tokyo. À côté des traditionnelles soupes vietnamiennes, on trouve
aujourd’hui dans les marchés des corn dogs, des portions de Korean fried chicken. Les
boissons au matcha ont envahi les cafés branchés. Dans les rayons de 7-Eleven, onigiris,
soju et autres spécialités coréennes ou japonaises occupent une place de choix, témoignant d’un engouement marqué pour ces cultures. Ce sont des détails du quotidien, mais des détails révélateurs : la mondialisation culturelle en Asie du Sud-Est n’est plus seulement.
Ho Chi Minh-Ville, au carrefour des cultures asiatiques

Longtemps, la mondialisation culturelle a été associée à l’Occident, avec Hollywood,
Coca-Cola ou McDonald’s en figures de proue. Mais en Asie, une autre vague s’est imposée : celle de la Hallyu, ou « vague coréenne », portée par les industries de la musique, de la télévision et de la beauté. Le Vietnam, et notamment Ho Chi Minh-Ville, s’est transformé en véritable terrain d’expression de cette influence croissante.
Sur les réseaux sociaux, BTS, Blackpink, Twice et autres groupes K-pop occupent une place centrale. Des fan clubs vietnamiens très actifs organisent des événements, partagent des contenus et participent à des projets caritatifs au nom de leurs idoles. Les dramas coréens attirent des millions de spectateurs sur les plateformes de streaming, influençant jusqu’à la manière de se maquiller, de s’habiller, ou même de se comporter dans les relations amoureuses.
Et cela se voit. À Ho Chi Minh-Ville, dans les quartiers jeunes comme le District 1 ou le
District 3, les vitrines regorgent de marques coréennes de soins pour la peau – La Neige,
Innisfree, Etude House – et les routines beauté à la coréenne font partie du quotidien. Selon
un rapport publié début 2024, la Corée du Sud est désormais le quatrième exportateur
mondial de cosmétiques, avec le Vietnam comme marché prioritaire en Asie du Sud-Est.
Mais ce n’est pas seulement la Corée qui façonne les nouvelles tendances. La mode
japonaise, entre minimalisme épuré et excentricité kawaii, se retrouve aussi dans la rue. Le
streetwear coloré, les uniformes scolaires revisités ou encore les coupes oversize sont
visibles partout, notamment chez les plus jeunes. Sur TikTok, les vidéos « GRWM » (Get
Ready With Me) aux inspirations nippo-coréennes se multiplient, prouvant l’ampleur de ce
phénomène transnational.
Le Vietnam, nouveau pôle d’influence culturelle en Asie

Cependant, depuis quelques années, ce dialogue culturel n’est plus à sens unique. Le
Vietnam devient lui-même un moteur dans cette dynamique régionale. Des artistes
vietnamiens comme Suboi, Hoàng Thùy Linh ou Sơn Tùng M-TP s’imposent désormais sur
la scène musicale asiatique, avec des millions d’écoutes sur Spotify et des collaborations
internationales. Leurs clips empruntent aux codes visuels de la K-pop tout en revendiquant
une identité locale forte, mêlant motifs traditionnels et modernité urbaine. Dans la mode aussi, des jeunes créateurs vietnamiens comme Cong Tri ou les fondateurs de marques streetwear locales influencent les tendances au-delà des frontières. Certaines collections ont été présentées à Tokyo ou à Séoul, symbolisant une nouvelle ambition : celle de faire rayonner la culture vietnamienne dans cette Asie créative et connectée. Sur les réseaux sociaux, des influenceurs vietnamiens gagnent une large audience dans toute la région, avec des contenus lifestyle, beauté ou humour qui s’exportent très bien. L’industrie du gaming et du streaming au Vietnam est également en pleine expansion, attirant des partenariats asiatiques. (voir l’article d’Alexandre sur ce sujet)
Une jeunesse hybride, entre inspiration et affirmation
Dans ce paysage, de plus en plus de jeunes revendiquent une identité hybride. Leur style
vestimentaire combine les tendances coréennes, comme les vêtements oversize et les
accessoires kawaii, avec des touches locales, telles que l’áo dài modernisé. Cette dynamique suscite également des interrogations, notamment concernant la standardisation des modèles de beauté, largement influencés par la Corée. Le culte de la peau claire, la chirurgie esthétique et des normes irréalistes font l'objet de débats, certains y voyant un risque de dilution des spécificités locales. Ce phénomène soulève une question plus large : comment préserver la diversité culturelle et l'identité locale tout en s'intégrant dans un monde de plus en plus globalisé ? Les jeunes générations sont ainsi amenées à redessiner les cartes de l’identité et du soft power.





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